
Lier poker et sport, un raccourci de plus en plus fréquent. Mais pas forcément nécessaire aux dires de nombreux acteurs du circuit français.
Dimanche 29 mars, Patrick Bruel était l’invité d’un Stade 2 un peu spécial. Une semaine après la tenue des premiers Global Poker Masters à Malte, l’émission de France Télévisions proposait un sujet sur l’évènement, suivi d’un débat en présence de l’ambassadeur Winamax. Alors qu’Alexandre Dreyfus, PDG du Global Poker Index à l’origine du projet, entend « sportifier » le poker, la question était posée en ces termes : « Le poker peut-il être considéré comme un sport ? ». Le débat fut animé, glissant vite vers les clichés habituels associés au poker : rapport malsain à l’argent, manipulation mentale, addiction… Au sein de la communauté poker française, les réactions furent nombreuses, certains dénonçant un débat à charge. Identifier le poker comme un sport : dans le fond, la question a t-elle lieu d’être ?
Si Patrick Bruel a d’emblée rejeté la question telle qu’elle était posée par les équipes de Stade 2, il n’en a pas moins souligné les grandes similitudes existantes entre le poker et le sport : « Pour moi, ce jeu a toutes les caractéristiques du sport de haut niveau : la préparation mentale, physique, les qualités analytiques supérieures dont il faut faire preuve, l’analyse de l’autre et la maitrîse de soi… Et le sport est indissociable de la stratégie. » Présent sur le plateau aux côtés de Bruel, l’ancien gardien du PSG Jérôme Alonzo va dans son sens : « Tout ce qui nous passionne au départ au poker, ce sont les ingrédients du vrai sport de haut niveau : la préparation, la psychologie, l’affrontement mental… »
Les avis des joueurs rejoignent cet avis
Joueurs, sportifs, personnalités de l’industrie : ils sont nombreux à rejoindre cet avis.
« Les joueurs de poker n’ont pas des demandes athlétiques qui sont les mêmes que dans un autre sport de haut niveau mais ils ont besoin d’être concentrés pendant de longues heures, assure l’ancien tennisman Stéphane Matheu, en charge du Team Pro Winamax depuis 2010. Quand on est préparé physiquement, on a une meilleure endurance et l’on va réfléchir de manière plus lucide pour prendre de meilleures décisions. »
« Dans le poker, la dépense physique est moins visible mais rester treize heures sur une chaise ou utiliser son index non-stop pour cliquer sur une souris est aussi traumatisant pour le corps », renchérit Matthieu Sustrac, rédacteur en chef de PokerNews France et ancien journaliste sportif.
Des similitudes existent donc, mais peut-on aller plus loin ? « Je considère le poker comme un sport, sans prédominance physique, estime l’ancien escrimeur Hugues Obry. Il y a des éléments qui relèvent de la forme physique mais ce n’est pas prédominant dans la réalisation de la performance. C’est aussi le cas dans mon sport, où la technique et la stratégie sont primordiales. Tout comme le poker, qui nécessite des capacités intellectuelles, stratégiques et relationnelles. » Mais pour l’entraîneur de l’équipe de France d’épée masculine, « le poker n’a pas besoin de s’identifier comme un sport. »
Un point de vue qui rejoint celui de l’éditorialiste sportifDaniel Riolo : « Ce débat est-il important pour le développement du poker ? Le poker ne se suffit-il pas à lui-même, sommes-nous vraiment obligés de nous poser cette question ? Je n’en vois pas vraiment l’intérêt. Effectivement, il y a des similitudes, dans la préparation physique et mentale notamment. Et à terme, peut-être que l’une des évolutions du poker sera à chercher dans cette préparation. Mais ça reste un jeu de cartes. Et puis, le poker a cette particularité d’être un jeu d’argent et normalement, par essence, le sport se veut désintéressé même si on sait que dans les faits, ce n’est pas vraiment le cas. » (Site Winamax)